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L'école de Scarupt est vendue

Il y a longtemps qu'il n'y a plus de « mâte d'écôle » à Scarupt. Pour être précis, c'est avec Monsieur Toussaint qui était alors maître d'une classe unique avec moins de 15 élèves qu'ont pris fin, en 1981, les odeurs de craie et les cris d'enfants dans la cour. En un mot, un morceau de vie s'effondrait laissant tout tristes les Vieux du hameau.

L'école desaffectée de nos jours.

Elle restait là, comme attendant des jours meilleurs qui ne sont jamais venus et voilà que comme toutes les écoles qu'on rencontre au hasard de nos chemins de montagne, elle vient d'être cédée à un particulier par la Commune de Fraize.

Que d'histoires se cachent derrière cette vieille bâtisse construite en 1838, puis agrandie en 1880 sur des plans de ce chroniqueur, touche à tout, le Fraxinien Jean-Baptiste Haxaire.

Bien avant la Révolution, les habitants de Scarupt s'étaient préoccupés de l'instruction de leurs enfants et avaient donc « embauché » un maître d'école. La population scolaire y était limitée parce que coûteuse mais, néanmoins, la construction d'une véritable école s'avéra nécessaire. Son agrandissement, plus tard, permettra l'accueil des filles, la mixité à l'époque n'étant pas de mode. Nous pourrions citer tous ceux qui y enseignèrent. La famille Flayeux fournira le plus fort bataillon avant les lois de Jules Ferry. Aimé Flayeux, père du défunt Maire de Fraize, Louis Flayeux, n'était-il pas surnommé « Aimé do mâte d'écôle » ?

La classe de garçons d'Eugène Mathis en 1885.

Après les lois Jules Ferry de 1881-1882, rendant l'école gratuite et obligatoire, Eugène Mathis y fit, en 1884, un court remplacement avant sa titularisation. Pour ceux qui connaissent l'École de Scarupt, ils pourront se demander comment il y entassait, dans une seule classe, 58 gamins de 5 à 12 ans (voir photo). Dans le même temps, la classe des filles ne désemplissait pas non plus. C'est ainsi qu'en 1907, on ne compta pas moins de 54 garçons et 48 filles. Un début d'exode rural ramena le nombre des garçons à 27 en 1934 et 23 en 1938. Les chiffres pour les filles nous sont inconnus mais devaient être du même ordre.

La classe de filles en 1916.

Le peuplement très dense de cette haute vallée vers 1900 explique cette importante population scolaire. Les enfants descendaient là, du Rossberg, de la Capitaine, du Rond-Chaxel, voire du Bouxerand et des Ponsez. Un lieu-dit « Les Baraques » où vivaient, comme son nom le laisse supposer, de pauvres paysans, envoyait lui aussi son lot d'écoliers.

L'exode rural lié à l'essor du textile et de l'industrie en général aura raison de l'École. On sait la suite...

On a connu deux cloches à Scarupt.,. Non, non, il ne s'agit ni d'élèves, ni de maîtres, mais d'authentiques cloches qui du haut du clocheton appelaient les enfants à venir en classe. La première mise en place en 1848 ne fit pas un long usage et fut remplacée en 1874 par celle qui se trouve toujours là à dormir sur son perchoir.

On a aussi connu des moments cocasses dans le rapport instituteur-élèves... Dans les années 30-40, par exemple, un écolier retors, enfermé à la cave par le maître, Mr Rohrbach, lui coupa son stock de pommes de terre en morceaux... Plus personne après lui n'eut droit à cette punition. Un autre, sur qui les bastonnades tombaient régulièrement, se confectionna un jour une ceinture avec un boyau de cochon rempli de sang. Il provoqua ce pauvre Mr Rohrbach, lequel, avec son bâton, déclencha l' « hémorragie vengeresse »...

Ah ! Ces enfants terribles de la vieille école de Scarupt... Ceux qui vivent encore là-haut sont, en tout cas, bien tristes de la voir aussi silencieuse ; les fredaines d'autrefois les font pourtant toujours rire mais cachent une profonde mélancolie.

Le nouveau propriétaire sait-il tout cela ?

François Maubré, « La Costelle », 2003.

Association « La Costelle », le 30/10/2003 (publié dans le bulletin municipal Fraize 2004).

© La Costelle. Dernière mise à jour le 17/02/2020 à 20:38 
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