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Rappels historiques à propos des Conscrits et du Conseil de Révision

La conscription ou le service militaire est la réquisition par l'État d'une partie de sa population afin de servir ses forces armées.

Historique

Nota : Ces informations sont tirées de Wikipédia

Sous l'Ancien Régime, le service militaire est réservé à des professionnels. Néanmoins, à partir de 1688, le roi oblige ses sujets à fournir des milices provinciales pour compléter ses troupes, les miliciens provinciaux (dont le nom a varié) ont souvent été désignés par tirage au sort.

En 1798 : Au Conseil des Cinq-Cents, le député Jean-Baptiste Jourdan fait voter la loi qui rend le service militaire obligatoire. L'article premier de la loi énonce : « Tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie ». Tous les hommes français doivent effectuer un service militaire de 5 ans de 20 à 25 ans.

En 1804) : Un décret impérial de Napoléon 1er met en place le conseil de révision et le tirage au sort. N'effectuaient leur service militaire que 30 à 35% des conscrits célibataires ou veufs sans enfant,

En 1813, l'armée napoléonienne est décimée par la retraite de Russie et la conscription touche désormais de jeunes adolescents de moins de vingt ans. On les appelle les Marie-Louise, car le décret est signé par l'impératrice Marie-Louise d'Autriche.

En 1818 : Louis XVIII abolit la loi Jourdan, et donc le service militaire. Le recrutement se fait désormais par engagement et tirage au sort. Le service dure 6 ans. Les appelés tirés au sort ont le droit de se faire remplacer par une personne tierce. De nombreuses exemptions concernent entre autres les séminaristes, les enseignants, les fonctionnaires, les chargés de famille... Un remplaçant possible négocie avec l'appelé et sa famille une compensation financière en échange de son engagement. Voir les compte-rendus de leurs tirages au sort par Jean-Baptiste et Joseph Haxaire.

En 1872 : Le service national redevient obligatoire et dure 5 ans pour tous les hommes.

Au XXe siècle

En 1905 : Loi imposant le service personnel, égal et obligatoire. Sa durée est fixée à deux ans. Introduction de la notion de sursis.

En 1913 : Le service est porté de deux à trois ans.

En 1939 : Le service est ramené à deux ans.

En 1946 : La conscription est rétablie avec un service d'un an.

En 1950 : La durée du Service est portée à 18 mois.

En 1963 : La durée du service est ramenée à 16 mois, par décret. Introduction de la notion d'objection de conscience.

En 1965 : Loi Messmer: le service n'est plus « militaire », mais « national ». Il englobe désormais un « service de défense », et deux formes civiles, l'aide technique et la coopération. Les conseils de révision sont remplacés par les centres de sélection et les fameux « trois jours ».

En 1970 : Loi sur le service National, ramenant sa durée à un an. Les sursis sont supprimés, dans une tentative de rétablir une égalité déjà mise en doute. L'appel se fait entre 18 et 21 ans. Le Conseil de Révision est remplacé par les "Trois-Jours".

En 1971 : Loi Debré portant Code du Service National : quatre formes sont distinguées, le service militaire, le service de défense, l'aide technique et la coopération (les 2 dernières durent 16 mois). Suite à la protestation des milieux étudiants, les sursis sont peu à peu rétablis.

En 1976 : Signature du premier protocole entre le ministère de la défense et celui des Anciens Combattants : désormais, les appelés du contingent vont être utilisés à d'autres tâches que les tâches militaires, par le biais de procédures qui n'ont aucune existence légale.

En1983 : Le service national dans la gendarmerie reçoit sa forme définitive. Le statut d'objecteur de conscience est clairement défini, il n'est désormais plus qu'une variante clairement codifiée du service national. Les reports initiaux automatiques jusqu'à 22 ans sont créés.

En 1985 : Création d'un service civil dans la police.

En 1992 : Loi Joxe : la durée du service militaire passe à dix mois, celui du service des objecteurs à 20 mois. Le service civil remplace le service de défense. Premiers protocoles ville.

En 1996 : Jacques Chirac, chef de l'État, annonce « sa décision » de professionnaliser les armées. Il laisse sous-entendre que la seule solution est de supprimer définitivement la conscription obligatoire, et qu'elle devra être remplacée par un volontariat. Les jeunes nés avant 1979 continueront d'effectuer un service « ancienne formule », dont la « durée sera progressivement réduite ».

En 1997 : Parution de la loi 97-1019 portant réforme du Service National. Cette loi instaure notamment la suspension de la conscription, pour tous les jeunes nés après 1979.

Fin 1999 : Comme prévu, la révolte commence. Les appelés (sursitaires) traînent les pieds. Des pétitions circulent sur Internet, recueillant des dizaines de milliers de signatures. Le collectif « SansNous » est créé afin de faire cesser les poursuites judiciaires qui pouvaient être engagées contre déserteurs et insoumis.

En 2001 : Le conseil des Ministres (Jospin) lance un décret mettant fin à la conscription, anticipant la fin de la période de transition de quasiment une année. Les appelés militaires déjà sous les drapeaux sont tous libérés au 30 novembre 2001, chaque contingent effectuant un mois de service en moins que le contingent précédent. Les derniers objecteurs de conscience sont libérés en juillet 2002.

De nos jours

Il n'y a plus ni conscription, ni conseil de révision, ni incorporation à l'Armée, sauf volontariat.

Le Conseil de Révision

Présidé par le Préfet, le Conseil, qui se réunissait au Chef-Lieu de Canton, était composé de civils et de militaires. Autour du Préfet prenait place un conseiller de Préfecture, un membre du Conseil Général et un membre du Conseil d’Arrondissement (jamais ceux du canton en cause), un officier général ou supérieur, un sous-intendant militaire, le commandant du dépôt de recrutement et le médecin militaire.

Chaque conscrit, en tenue d'Adam, passait devant les membres du conseil qui le pesaient, le faisaient passer sous la toise, mesuraient son périmètre thoracique... Le médecin major procédait à des examens parfois plus attentifs. Ces différentes mesures, assez sommaires, permetttaient le calcul d'un indice de « robusticité » qui était déterminant pour décider s'il était déclaré « bon pour le service » ou inapte. Les dispenses étaient rares et n'étaient accordées que dans le cas d’un problème physique (malformations, petite taille, maladies) ou pour des motifs familiaux ou professionnels sérieux. Les conscrits recalés étaient souvent victimes de la moquerie populaire puisque reconnus comme hors norme. Les « bons pour le service » attendaient alors quelques mois avant de recevoir leur affectation (sauf pour les sursitaires dont l'incorporation pouvait être retardée de plusieurs années).

Le Conseil de Révision est définitivement supprimé au profit des "Trois-Jours".

Les "Trois-Jours"

C'est le nom donné à l'opération de sélection des jeunes gens nés avant 1979.

Elle durait au maximum 2 jours (en général, un jour et demi) et consistait en :

  • un examen médical, qui permettait de classer les jeunes gens en aptes ou exemptés ou ajournés ;
  • des tests et un entretien avec un officier qui permettaient de les orienter vers une armée, une arme ou un service déterminés.

À noter : les jeunes gens qui ne se rendaient pas aux 3 jours étaient considérés d'office comme aptes au service. Il était préférable d'apporter son dossier médical si l'on estimait devoir être exempté.

Fêtes des Conscrits

Avec la création de la conscription était apparue un peu partout en France une tradition durant laquelle les jeunes gens de chaque commune, se réunissaient et faisaient la fête, avant de partir à l'Armée. Cette tradition marquait en quelque sorte l'entrée dans le monde adulte. A l'origine, cette tradition était réservée aux hommes. La professionnalisation des Armées mit fin à beaucoup de fêtes de conscrits. Dans les endroits où cette tradition a perduré, les filles y ont été en général admises (voir les photos des classes les plus récentes).

À Fraize-Plainfaing, les fêtes de conscrits étaient fortement liées avec les fêtes des classes. Elles étaient même assimilées à ces dernières (la classe étant l'année des vingt ans), la fête étant organisée à l'occasion du conseil de révision, et non au moment de partir à l'armée. Cette fête, qui pouvait durer quelques jours, se traduisait par une animation dans les rues (notamment le jour du marché), les Conscrits s'y déplaçant bruyamment, accompagnés de musiciens. Comme « bon pour le service » s'entendait aussi « bon pour les filles », ils ne manquaient pas de rendre visite aux filles de la Classe et les entrainaient dans des « rondiau » Les conscrits brandissaient le drapeau de la « classe » qu'ils avaient fait broder au nom de leur ville et au millésime de leur classe. Ils arboraient en signe de reconnaissance des bérets, calots ou chapeaux fantaisie divers, et accrochaient des cocardes à leurs vêtements. Pour financer les frais de cette fête, un bal était organisé,

Les Drapeaux des Classes

Ils étaient en général conservés par le porte drapeau de chaque classe, et hors lors de la fête des conscrits et du bal associé, ils ne sortaient plus de leurs housses que lors d'évènempents particuliers, comme par exemple l'enterrement de tel ou tel des conscrits.

Que sont-ils devenus ? Suite à la disparition des derniers conscrits des classes, certains sont restés dans des greniers ou ont disparu, d'autres ont été remis à la Mairie, d'autres enfin ont été placés dans le cercueil du dernier mort de la classe (1909 & 1923 par exemple).

Lors de l'Exposition des Conscrits, on pouvait y voir de nombreux et beaux drapeaux.

Lis conscrits

Ce court texte en patoi est signé E.S. (?). Il a été repris d'une publication de 1948, et édité par « Les Annonces » n° 2364 et 2365 de septembre 2008. (Pour les non patoisants, la traduction suit en italique). Il relate le conseil de révision à Fraize dans les années 1900.

L'énaye là lé révisio t'chéhi ïn d'jûdi enn'da lo grand méti lis gamins corant das lis rues do villed'je vartant de qué coté lis premés conscrits errivant è Fraize ; vouâ heute hures as oïeu to d'ïn cô enne clarinette éco enne groûsse caisse do coté de Geurvouâ, çirre çalles de Mandrâ que deboutchant dans lis tchaudsfohhs, is iant sept en toute, lis sus dé Creû, enne déhaine dehadant lé grandvôye dérie ïn accordéon. Lis Mandrosés lis étadeunnent po ne faire qu'enne bande pos atré au villed'je, lis dus drépès dis dus commûnes devançant lue petite musique ; lis gamins régroûsant lo mouïau dis conscrits, y bouélant : la classe en s'tenant enne paires pas lo bré, lis d'jens reuhhant sus lis euchhs po li spi pessé ; dans lo vie hôpitau y rescatreunnent lis sus d'Ente-dus-ôves qu'avouant tché-qui ïn p'tit drépè qu'is avouant échetès au bazar sus lè Pièce, au mouétan do villed'je lis conscrits de Fraize iant toutes dérie lue musique, lo drépè irre poutait pas ïn soudaire de lue classe qu'irre éguédji, y hayï râ au pès dévant lis musicïngs que d'jouant ïn mouhé que bïn dis génératios o ôyï, a dit qu'il è stu tiri do : Pessed'je do Rhïn, il a bapti : lo Distrait.

Eda là is n'allant è lé gare pos étadde lo Préfet, lo Sous-Préfet et lis Majors, lis conscrits d'Aunu, de Ban-sur-Meurthe, de Sckieuvcé, de Saint-Ninâ, qu'étadant das lis débits è lé creuhie dis rues, sévouant pas dérie ; çalles do Véti venant en vouèturre évo lo maire et dehadant dans l'hôtel dè gare : as oyï enne grand-musique do Tchété sauvèd'je, çirre lis sus de Piéfaing que dévallant ; quat y feunnent tortus rémessès sus lè pièce dè gare a né comptait prèque cent nonante, a r'kenahi lis groûses commûnes è lé groûsou et lé grantou dis drépès.

Do tâs lè y niavout co qu'avouant dis groûs tchépés évo dis fiocas, et dis ribans que ganguiant pas dérie, ças éhattchi pas se pîde, lè bonne mouéite avouant d'ja dis bérets.

Os étadant lo train lis maires parlementant essenne, lis musicïngs se remessant toutes d'zo lè directio d'înne dis pus ancïngs, sitôt lo train errivé y d'jouant lè Marseillaise et tot d'suite éprés y r'devallant au d'jouant ïn pès redoublé, is iant pus de quarante ça fayï poidé enne balle musique, lis conscrits venant éprès brès d'sus brès d'zo pas rangies de hhé ou sept, lis pus éhauffis bouélant : tchou hi hie ! rrriou hi hie ! vive la classe !, lis éfants corant é lé ronde aussi éhauffis que zâs.

Os errivant sus lè Pièce le Préfet et sè suite montant haut das los salo dè Mauho de Ville, lis gendarmes eppelant lis conscrits pas dèhaine, enne irre deveustie lis innes d'zo lè tôze lis autes sus lè bascule ou bïn lis majors, enne se deveusti, enne aute se r'veusti ça n'allait vite ; çalles que iant pris ne fayïant qu'enne paire de d'jambouâyes po dehadde lis escalies y bouélant d'Iûe foùhe : bon pour le service… Bromat essenvant de se r'veusti d'zo lis halles que iant piènes de monde. Lis curious, lis parats, lis bonnes émies lis oeus rod'jes, lo moutcheu é lè main criant.

Sus lè piéce lis martchandes è lus éteux érand'jant dis tchépès, vadant dis cocardes, fayant dis grévattes évo dis ribans tricolores, çâs irre nar de monde as avout do mau d'sôyï.

E onze hures et demée çirre prèque fé, lis conscrits de tchèque commûne do Canto eurnallant tchéqui d'lûe côté, dans midi lis sus do Chef lieu n'allant faire ïn rondiot dans tchie la Maire, l'adjoint, et lo curé, éprès lo dedji que duri tocou bonne pesse, y fayïant lo tô dis Aulnes au rondiant dans tchie tchèque conscrit, lo sâ a dansi sus lo danseu qu'irre monté sus lè Pièce, çà hiaudait duhh et as oyï sovat ; rondiot po lis conscrits, das lo hhé y niavout tocou que n'savouant mi dansi et y ne pan mi demourait s'na sauté lo grand dè neutie.

Lè tonâye dis écarts se fayï lis d'jos d'éprès, lis djens lûes y fayïant dé bonne marade, ils s'émusant è lue facô cirre lè coutume die nâ.

Enne paire de mous éprès y n'allant soudaires è l'ecmace is iant enne câye gries, mais, çà comme toute, is s'hébituant é lè novalle vie, et au ratrant do régimat is iant d'évis que cirre lo boûn tâs ; mais lo trente et ïnne juillet dèhe-nufe-centquoitöhe è lé brune dé neû quat a li fayïeu heutchi das lis mairie, çà n'irre mi riant do tô, is n'alleunent tortus pas lis routes rejoindre lues unités ; lis înnes eurveunneunnent biassis, mutilès, ïn bré ou enne d'jambes de moûn, lis autes brelès pas lis gaz, quique ïnes réheppeunnent mais y n'so mi spâs, bromat n'eurveuneunnent jamais et a ne pus mi dirre que ç'na mi ïnne de çalles-cîtes que repose d'zo l'Arc de Triomphe.

E.S.

Cette année là, la révision tombait un jeudi, depuis le matin, les gamins couraient dans les rues du village, guettant de quel côté les premiers conscrits arriveraient à Fraize ; vers huit heures on entendit tout à coup une clarinette ainsi qu'une grosse caisse du côté de Gerva : c'étaient ceux de Mandray qui débouchaient devant les Chauds-fours, ils étaient sept en tout, ceux de La Croix-aux-Mines, une dizaine, descendaient la Grand'voie derrière un accordéon : les Mandrosés les attendirent pour ne faire qu'une bande pour entrer au village, les deux drapeaux des deux communes devançaient leur petite musique, les gamins grossissant l'ensemble des conscrits, ils criaient : la classe ! En se tenant par le bras, les gens sortaient sur le seuil pour les voir passer ; devant le vieil hôpital, ils rencontrèrent ceux d'Entre-deux-Eaux qui avaient chacun un petit drapeau qu'ils avaient acheté au bazar.

Sur a Place au milieu du village les conscrits de Fraize étaiuent assemblés derrière leur musique, le drapeau était porté par un soldat de leur classe engagé engagé volontaire, il marchait raide au pas devant les musiciens qui jouaient un morceau qu bien des générations ont entendu, on dit qu'il fut tiré du "Passage du Rhin", il a pour nom : le Distrait.

De ce pas, ils allaient à la gare pour y attendre le Préfet, le Sous-Préfet et les Majors : les conscrits d'Anould, de Ban-sur-Meurthe, de Clefcy, de Saint-Léonard qui attendaient dans les débits aux carrefours, suivaient derrière ; ceux du Valtin venaient en voiture avec le Maire et descendaient devant l'hôtel de la gare ; on entendait une fanfare du côté du Chateau-Sauvage, c'étaient ceux de Plainfaing qui descendaient la vallée.

Quand ils furent tous assemblés sur la place de la gare, on en comptait près de cent nonante, on reconnaissait les grosses communes à la grosseur et à la grandeur des drapeaux.

En ce temps-là, il y en avait encore qui avaient de gros chapeaux avec des colifichets, et des rubans qui flottaient dans le dos, cette coutume se perdait, la bonne moitié avaient déjà des bérets.

En attendant le train, les Maires parlementaient ensemble, les musiciens s'assemblaient tous sous la direction d'un des plus anciens, sitôt le train arrivé ils jouaient la Marseillaise et tout de suite après ils redescendaient en jouant un pas redoublé ; ils étaient plus de quarante, cela faisait une belle musique, les conscrits venaient à la suite bras dessus bras dessous par rangées de six ou sept, les plus échauffés criaient : tchou hi hie ! rriou hi hie ! vive la classe !, les enfants couraient à la ronde aussi échauffés qu'eux.

En arrivant sur la place le Préfet et sa suite se rendaient au salon de l'hôtel-de-ville, les gendarmes appelaient les conscrits par dizaine, une était déshabillée, les uns sous la toise, les autres sur la bascule, ou bien devant les Majors, une se déshabillait, une autre se rhabillait cela allait vite ; ceux reconnus aptes ne faisaient que quelques enjambées pour descendre les escaliers, ils criaient à pleins poumons : Bon pour le service... beaucoup achevaient de se revêtir sous les halles, pleines de monde, les curieux, les parents, les fiancées les yeux rouges, le mouchoir à la main, pleuraient.

Sur la place, les marchandes à leur étal arrangeaient des chapeaux, vendaient des cocardes, faisaient des cravates avec des rubans tricolores, c'était noir de monde, on avait peine à s'entendre.

A onze heures et demie c'était presque fini, les conscrits de chaque commune du canton s'en retournaient chacun de leur côté, avant midi ceux du Chef-lieu allaient faire une ronde devant chez le Maire, l'Adjoint, et le Curé, après le repas qui durait toujours longtemps, ils faisaient le tour des Aulnes en faisant des rondes devant l'habitation de chaque conscrit, le soir, on dansait au bal au! était monté sur la Place, les cris d'allégresse résonnaient fort et on entendait souvent : rondiot pour les conscrits, dans le nombre, il y en avait toujours qui ne savaient pas danser et ils ne pouvaient rester ainsi sans se dégourdir tout au long de la nuit.

La tournée des écarts se faisait les jours d'après, les gens leur faisaient de bons goûters, ils s'amusaient à leur façon c'était la coutume ainsi.

Quelques mois après, ils recevaient l'ordre d'appel sous les drapeaux, au commencement ils avaient le mal du pays, mais, c'est comme tout, ils s'habituaient à leur nouvelle vie, et en rentrant du régiment ils étaient d'avis que c'était le bon temps ; mais le trente et un juillet dix neuf cent quatorze, à la brume de la nuit, quand on les fit appeler dans les Mairies, ce n'était pas gai du tout, ils allèrent tous par les routes rejoindre leurs unités ; les uns revinrent blessés, mutilés, un bras ou une jambe de moins, les autres brûlés par les gaz, quelques-uns échappèrent à ces maux, mais ils ne sont pas nombreux, beaucoup ne revinrent jamais et on ne peut pas dire que ce n'est point un de ceux-ci qui repose sous l'Arc de Triomphe.

E.S.

Souvenirs du tirage au sort au XIXe siècle

Le tirage au sort « favorable » de Jean-Baptiste Haxaire

J'avais 20 ans depuis le 18 juin 1836  j'étais conscrit. Il fallait tirer au sort. Cette opération a eu lieu le 5 juillet 1837. Nous étions douze conscrits pour Fraize, mais on m'a dit qu'il y avait eu vingt-cinq naissances, donc treize étaient morts. Une chose digne de remarque : la commune du Valtin n'avait pas un seul conscrit cette année. Le maire n'a pas paru au tirage. D'après le tirage au sort des maires, la commune de Fraize devait tirer l'avant-dernière commune du canton. C'est un nommé Fleurentdidier, dit « Brave Homme », de Scarupt, qui a tiré avant moi et qui a emporté le numéro 1. Comme c'était à peu près le plus bel homme de la conscription, son numéro a provoqué un rire général. Immédiatement, le sous-préfet a pris la boîte et l'a agitée fortement. J'ai été appelé et j'ai enlevé le numéro 106. Titisse L'Hôte, qui a tiré après moi, a eu 107  son frère Coliche a tiré ensuite 136  un nommé Fleurentdidier, de la Beurée, qui a tiré après les L'Hôte, a eu 137. 137, 106, 107, 136 ont été les quatre seuls numéros pour Fraize à passer 100.

Mes parents, en apprenant mon numéro, pleuraient de joie, ma mère surtout, qui redoutait si fortement le métier de soldat. Beaucoup de personnes de Fraize m'ont témoigné de la satisfaction sur ma réussite au tirage, ce qui m'a fait un vif plaisir. Depuis longtemps, ma mère, mes sœurs et d'autres personnes priaient pour moi, afin de m'obtenir une bonne chance pour le tirage au sort. Oh les bonnes gens !

De mon côté, j'étais parfaitement tranquille, parce que j'avais fait mes résolutions bien avant le tirage. Je savais qu'étant pris, il fallait que je sois soldat, surtout que mon frère devait tirer au sort quatre ans après moi. Moi étant au service, j'exemptais mon frère. Je ne redoutais pas l'état militaire parce que j'avais beaucoup de goût pour les armes. Je ne redoutais qu'une chose si j'étais soldat : c'était le chagrin de ma mère.

Je comprenais qu'en partant soldat pour sept ans, à 28 ans, c'était trop tard pour voyager pour mon métier  donc j'avais pris la résolution de faire de la vie militaire ma carrière. Si, au contraire, j'étais quitte, je voulais voyager pour me perfectionner dans mon métier. Voilà quelles étaient mes résolutions bien arrêtées.

Le jour de notre tirage, nous avons dîné chez Blaise Gaudier, débitant à Fraize. Après dîner, nous avons fait le tour de la commune pour faire une visite aux parents de chacun de nous. Cette journée s'est passée dans la joie et il n'y a pas eu la moindre chicane entre nous. A 9 heures du soir, les L'Hôte et moi nous étions couchés, ce qui prouve qu'on avait été sage.

Le 27 septembre 1837, nous sommes allés à Corcieux passer en révision. Le numéro 67 a été le dernier pris. Donc les L'Hôte, moi et bien d'autres étaient quittes. De retour à Fraize, nous avons fait rafraîchir ceux de nos camarades qui étaient pris et on a donné quelque peu d'argent aux plus pauvres. Alors on s'est quitté content et ceux qui ont été pris ont remercié ceux qui étaient quittes de leur générosité.

Jean-Baptiste HAXAIRE (1816 - 1891)

Le tirage au sort « défavorable » de Joseph Haxaire

La commune de Fraize a tiré la 9ème, si nous avions tiré les premiers, nous aurions pu espèrer quelque chose, un secret pressentiment de malheur que j'avais soin de renfermer en moi-même me tourmentait, en effet à mon appel je me présente, je tire et j'emporte le n° 6, je fus comme foudroyé, je me remis pourtant bien vite, fatalité des fatalités, pensais-je en moi-même, c'est donc là le sort qui m'était réservé, Que d'angoisses et d'inquiétudes vais-je donc causer à mes bons parents, leur extrème sensibilité va être pour eux une source de chagrins et d'agitations continuelles jusqu'à ce que leur amour pour moi m'eut racheté d'une destinée qui paraissait inévitable.

Le 30 mai a lieu la révision, toutes les conséquences du tirage au sort s'y réalisent, la plus faible lueur d'espérance est donc perdue pour moi, on veut que je m'affranchisse du service en fournissant un homme, mais cette substitution va devenir pour moi un bien pénible sacrifice puisqu'elle m'oblige à jeter au vent le fruit de mes plus belles années de travail et quoiqu'il en puisse être de cette situation, c'est une circonstance de ma vie que je me rappellerai toujours avec douleur.

Monsieur Simon a tiré l'argent de mon remplacement chez Me Mengin le 28 juillet 1842 ; il y avait alors en solde 800 francs. Me Mengin m'a prêté le reste ou 700 francs qui restait encore à solder.

Cet argent provient de ma mère300frs
de ma soeur Mimone200"
de ma soeur Catherine30"
Le reste du mien. 

Le 2 janvier 1843 porté en acompte chez Me Mengin :

300 francs provenant de : 
ma soeur Mimone140frs
ma soeur Catherine60"
à moi100"

Il reste encore 400 francs.

Reçu de ma soeur Mimone 20 francs pour payer la rente échue le 28 juillet 1843.

Reçu de.... le 24 septembre 1843 100 frs

reste 300 francs

payé les 300 francs restant le 25 août 1844 
200 frs à ma soeur200frs
et 100 frs à moi100"

Soit 1.500 frs.

Joseph HAXAIRE (1820 - 1898)

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© La Costelle. Dernière mise à jour le 06/09/2022 à 10:27 
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