Ce tableau se trouve dans l'église, au dessus des fonts baptismaux, à droite en sortant.
C'est une peinture à l'huile sur toile de grande dimension : 4,8m de haut sur 2m de large, attribuée à Thomas Mathis, entourée d'un cadre de chêne doré, qui se trouve au fond du collatéral nord de l'église, au dessus des fonts baptismaux. Comme tout le mobilier de l'église, il appartient à la municipalité.
Il représente, dans sa partie supérieure, Saint-Blaise (qui vécut au IVèmesiécle en Cappadoce) en costume épiscopal assis au milieu d'angelots. Il tient dans sa main gauche deux cierges en croix, rappelant ainsi que, en cas de maux de gorge, on obtient guérison en l'invoquant tandis qu'on tient deux cierges croisés devant la gorge du malade. On l'invoque aussi pour la bénédiction des troupeaux, d'où les deux têtes de bœufs (difficilement visibles) sous le bas de sa crosse à gauche.
En bas, à droite, Saint-Antoine à la barbe broussailleuse, couvert de la haire (vêtement de mortification en crin), vénérable anachorète qui vécut au IIIème siècle en Égypte. Il est connu par ses combats contre les démons et l'ordre des Antonins fondé au XIéme siècle se réfère à lui. Ses attributs sont le bâton d'ermite dont le haut est en forme de lettre tau (T majuscule), le livre contenant la règle de l'ordre et la clochette affirmant la liberté de pâture qu'avaient les cochons de l'ordre dont un apparaît près de son pied droit. Les Antonins avaient la médecine pour vocation et étaient réputés pour soigner particulièrement l'épilepsie, la syphilis et surtout le « feu sacré » ou « feu des ardents » provoqué par l'ergot du seigle. On trouve Saint-Antoine mis en valeur près de nous sur le Retable d'Issenheim qui lui est dédié et que l'on peut voir au musée Unterlinden de Colmar.
En bas à gauche, on reconnaît, Saint-Roch, originaire de Montpellier au XVème siécle, est le protecteur des pestiférés, malades et handicapés. Il est reconnaissable à sa tenue de pèlerin (large chapeau plat, cape et bourdon – bâton – qu'il tient à la main). La plaie qu'il laisse voir à sa jambe et le chien (roquet) qui vient de lui apporter du pain et se tient à son côté en sont aussi des attributs.
NB : La célèbre La Légende Dorée de Jacques de Voragine (au XIIIème siécle) nous conte les histoires de Saint-Blaise et Saint-Antoine.
Dans le coin inférieur droit, on peut lire la date 1785 et les noms des donateurs : Cuny et Perrottey, Prêtres et Antoine Cuny, père., mais on ne trouve pas de signature du peintre.
Le cadre de chêne doré, de style Louis XVI est contemporain, par sa technique de dorure et son décor de grecques, de la peinture du tableau. Ses côtés qui ne sont pas dorés devaient donc être cachés et présentent de nombreuses mortaises. La traverse basse est incurvé en son centre. Il est légitime donc de s'interroger sur les étapes de la réalisation de l'ensemble :
Cette question très intéressante est sans réponse pour le moment. Le curé Vichard qui ne parle pas du cadre écrit :« Le Grand tableau posé au fond du cœur a été donné par...» et il rappelle les noms listés plus haut. Aurait-il utilisé le terme de posé si le tableau avait été inscrit dans un ensemble monumental boisé que Thomas Mathis, qui a réalisé par ailleurs deux autels, était parfaitement capable de réaliser, cadre doré compris.
Ce tableau est inscrit à l'Inventaire des Monuments Historiques, de même que son cadre de bois doré depuis le 19 juin 1968.
NB : La base Palissy (base de données documentaires mises en œuvre par la Direction de l'Architecture et du Patrimoine du Ministère de la Culture) donne pour peintre un certain Félix Munier, de Lunéville, ancien peintre ordinaire du roi Stanislas, inconnu à ce jour sur Internet. C'est évidemment une erreur que La Costelle s'efforce de faire corriger.
L'église de Fraize, entièrement détruite par un incendie le 6 février 1782, fut reconstruite dès 1783.
Dans ses notes de fin de l'année 1785, le curé Vichard (page 132 du manuscrit consultable sur le site de La Costelle) indique : « En cette année, [...] le grand Christ a été fait au Belrepaire chez François Petitdemange par Mathis, allemand de nation pour le prix de quatre louis payés par François Petitdemange et Joseph Houssemand du dit Belrepaire. [...] Le Grand tableau posé au fond du chœur a été donné par le Sr Antoine &nnbsp;Perrottey ancien curé d'Aubure, de cette paroisse, par le Sr François Cuny prémissaire à Fraize, et Antoine Cuny son père, il a été peint par le dit Mathis ». Il ajoute dans ses notes de fin de 1787 (page 235 du manuscrit) : «L'autel de St‑Nicolas a été fait cette année par Mr Mathis Thomas allemand de nation pour la somme de vingt huit louis et vingt quatre planches de chêne fournies par le Sr Curé. ».
Ainsi, la paternité de l'œuvre est‑elle, sans doute aucun, attribuable à Thomas Mathis.
Daté de 1785 mais non signé, le tableau fut placé en ornement derrière le maître-autel, dans l'abside de l'époque qui ne comportait pas de fenêtres.
C'est là qu'en 1851, un éclat de bois arraché au portail par un orage ayant foudroyé l'église, après avoir traversé la nef sur toute sa longueur, s'est planté dans la toile au niveau du ventre de Saint-Roch. Il y resta jusqu'à notre restauration de 2020 !
Cet éclat de chêne d'environ 20 cm de long porte la mention manuscrite : «Morceau de la grande porte lancé dans ce tableau par le tonnerre en 1851, le 11 mai à 8 h du soir.». Il sera très prochainement exposé à la vue des visiteurs dans un présentoir à proximité du tableau.
Lors de la restauration de l'église par l'architecte déodatien Charles Cariage en 1893, des fenêtres furent percée dans l'abside. Le grand tableau de Saint-Blaise n'y avait donc plus sa place et il fut transféré au fond du collatéral nord, au-dessus des fonts baptismaux.
À l'occasion du relevage de l'orgue Callinet, en 2018, la municipalité a fait restaurer les murs derrière l'orgue et les fonts baptismaux ainsi que la voûte en plâtre du dessus. Ils en avaient bien besoin. Pour ce faire, le grand tableau a dû être décroché et, à l'initiative de l'association La Costelle et avec l’accord de la municipalité et de la DRAC, il a été envoyé à l'atelier de restauration Noëlle Jeannette à Bœrch près d'Obernay. Il en est revenu le vendredi 21 février 2020 et a été raccroché, non sans mal, au même endroit.
Ce peintre n'est cité que par le curé contemporain Vichard dans ses notes manuscrites de 1785 et 1787 qui le dit « allemand de nation » ce qui, vu l'époque, peut aussi bien dire alsacien qu'allemand au sens actuel du terme. On peut présumer qu'il est venu à Fraize à cause de la reconstruction de l'église incendiée en 1782 pour laquelle toute l'ornementation était à faire. Il résidait chez François Petitdemange au lieu-dit le Belrepaire et y resta, selon le curé Vichard, au moins trois ans, de 1785 à 1787. Il lui attribue les œuvres suivantes :
De toutes ces œuvres, il ne reste dans l'église que le grand tableau de Saint-Blaise et le grand Christ en croix (dans la nef). Que sont devenues les autres ? La transformation de l'église par Charles Cariage en 1893 les a-t-elle fait disparaître ? Les deux autels collatéraux et les statues de la Vierge et de Saint-Jean-Baptiste qui ont coûté cher (55 louis pour les autels), œuvres d'importance, ont disparu sans laisser de traces ?
On ne sait rien d'autre de Thomas Mathis, quoique certains lui attribueraient volontiers des tableaux dans les églises de la Croix-aux-Mines, Plainfaing et Clefcy, mais comme il ne signait rien, on ne peut que se perdre en conjectures.
L'association La Costelle, à la suite de la restauration financée par elle-même de la toile marouflée de l'autel de la Reconnaissance à la Vierge (fond du collatéral sud), s'était donné en 2014 l'objectif de faire restaurer le grand tableau de Saint-Blaise dont l'ensemble toile, peinture et cadre apparaissait très dégradé ; la voûte surplombant le tableau s'était, par suite des fuites de toiture durant des décennies, abaissée jusqu'à reposer sur le haut du cadre et avait perdu une partie de son plâtre Le relevage (restauration) de l'orgue Callinet déclenché par la mairie, la réfection de l'environnement électrique, la restauration et peintures des murs avoisinants décidés, toutes les bonnes raisons pour mettre en œuvre le processus de restauration du tableau en route.
À la demande de la municipalité et de La Costelle, Marie Gloc de la DRAC (Conservateur des monuments historiques, Conservation régionale des monuments historiques, Direction régionale des affaires culturelles Grand Est - site de Metz) est intervenue à l'église le 19 octobre 2016 pour une pré-expertise qui a servi de base à l'appel d'offre envoyé par la mairie aux atelier susceptibles d'effectuer les travaux.
L'ensemble cadre et toile pesant plus de 150 kg, c'est une entreprise spécialisée de Colmar qui a été chargée des opérations de décrochage puis ultérieurement de transport, et raccrochage.
Posé à terre, le tableau a pu être approché et expertisé par les ateliers intéressés qui ont rendu leurs propositions à la mi-novembre 2017.
La restauration des toile et peinture a eu lieu à l'atelier de Noëlle JEANNETTE et Julien CHAMPLON (Conservation Restauration de Peintures, 67530, Bœrch). Elle a duré un peu plus de deux ans à cause d'une surcharge de travail importante de cet atelier réputé.
La restauration du cadre a été effectuée par l'atelier de Stéphane LINDER (Restauration d'objets d'art, 68480, Wolschwiller) qui, compte tenu de la taille du cadre, s'était pour l'occasion transporté à Bœrch.
Le retour du tableau et son raccrochage se sont passés à la satisfaction de tous le 21 février 2020, et il ne reste qu'à installer un système d'éclairage automatique, ce qui aura lieu dès que possible.
La DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) ayant accepté de participer à hauteur de 50% aux frais de restauration, l'association La Costelle s'était engagée à payer le solde, mais il est apparu que la subvention de la DRAC était conditionnée au le fait que le propriétaire (la mairie) participe pour au moins 20 % au coût.
Le financement de cette restauration d’un coût total HT de 14142 € (toile + cadre) se répartit donc de la façon suivante :
NB : Les travaux de restauration d'œuvres d'art ne sont pas soumis à la TVA (article 293 B du CGI).